Un rude hiver, La Hève

« Ils se sont promenés, cette fois-ci, sur le haut de la falaise. Il faisait toujours un beau temps gris d’hiver, un ciel de neige avortée. Un vent sec écorchait la peau. Ils marchent lentement le long de la terre sectionnée ; en bas poudroie la mer. Ils commencent par épuiser la conversation courante, celle qu’on trouve dans les manuels bilingues. C’est aujourd’hui Noël. Noël c’est une histoire de poudigne et de boudin, un prétexte à mangeaille quoi. Helena se déclare agnostique, son père avait été un athéiste militant et sa mère, en France, élevée laïquement. Lui il a été à la messe ce matin. C’est beau la messe, les chants, l’odeur plus que pharmaceutique, la discipline pour le peuple. […]
Sur l’eau en bas il y a des bateaux, mais on ne va pas encore parler des transports et de la guerre. Il la prend par la taille. Il retourne à la conversation courante, celle qu’on trouve dans les manuels bilingues. Il lui dit, je vous aime. Mais non il n’est pas retourné à la conversation courante, c’est un je vous aime à lui, différent des autres, des autres je vous aime. Ils s’embrassent. »

Raymond QUENEAU, Un rude hiver©Gallimard, 1939. Citation extraite de l’Imaginaire Gallimard, p. 135. www.gallimard.fr



Lieux : Étape 13 - Falaise de la Hève. Mer.
Quartier : Bord de mer
Genre : Roman