Les Paradisiaques

« Maman penche la carafe transparente. Je peine à entrouvrir les yeux et c’est Le Havre et le vent de la mer qui nous pliait en deux ou qui nous projetait contre les murs des immeubles. J’ai trois ans. Le givre couvre les fenêtres : ce sont les grandes grèves de 1951. Je suis plein de fièvre. Dans le lointain, au-dessus de ma tête, de l’eau s’écoule, frappant le fond du verre.
La paroi du verre d’eau tinte.
Maman plonge la cuillère dans cette eau.
Puis le papier se froisse,
puis crisse,
puis se déchire brusquement.
La poudre du médicament en silence touche l’eau.
Paradis de la fièvre. »

Pascal QUIGNARD, Les Paradisiaques ©Grasset, 2005 Citation extraite du volume Folio, p. 17.



Lieux : Étape 12 - Mer.
Quartier : Centre reconstruit
Epoque : XXIe
Genre : Essais