Le Roman du Havre

« Parmi ses rêves les plus fous, Richard, le héros d’Armand Salacrou, se promit d’acquérir un jour cette grande bâtisse néo-féodale, qu’on appelle la Villa Maritime et qui appartint au début du siècle dernier à Dufayel, une des plus grandes fortunes d’alors. Finalement, à la fin des années trente, ce fut le fils du petit herboriste du quartier Danton, devenu un dramaturge à la mode et aussi un extraordinaire publicitaire, qui réalisa le rêve de son personnage. Aux approches de la vieillesse, il se retira dans cette inconfortable et orgueilleuse demeure pour y écrire ses mémoires, sans trop croire à la pérennité de ces traces laissées sur le papier, aussi dérisoires que les pas des amants que la mer efface sur le sable. […]

Salacrou était l’homme de tous les regrets. Et il cultiva même, avec une morose délectation, celui d’être né, avec pour seule perspective d’en mourir un jour. Ainsi l’habita constamment cette obsession du temps qui s’écoule, inexorable, qu’il tenta pourtant de suspendre, de remonter, d’inverser par des procédés dramaturgiques qui devinrent sa marque personnelle et qui, des Frénétiques à L’inconnue d’Arras, fondèrent l’originalité de son œuvre. Et, en ceci, Salacrou est bien un écrivain havrais, en parfaite harmonie avec cette ville vouée à périr et à renaître et condamnée à réinventer sans fin un destin toujours incertain […] »

Yoland SIMON, Le Roman du Havre © éditions de l’Aiguille, Étretat, 2011, (collection Fictions), pp. 31, 37.



Lieux : Étape 1 - Villa maritime.
Quartier : Bord de mer
Epoque : XXIe
Genre : Écrits personnels
Edition : Editions de l’Aiguille


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