« Dans le rapide de 19h40 »

« Dans le rapide de 19h40. »

« Voici des années que je n’ai plus pris le train
J’ai fait des randonnées en auto
En avion
Un voyage en mer et j’en refais un autre plus long
[…]
Le rapide fait du 110 à l’heure
Je ne vois rien
Cette sourde stridence qui me fait bourdonner les tympans – le gauche est endolori – c’est le passage d’une tranchée maçonnée
Puis c’est la cataracte d’un pont métallique
La harpe martelée des aiguilles la gifle d’une gare le double
crochet à la mâchoire d’un tunnel furibond
Quand le train ralentit à cause des inondations on entend
un bruit de water-chute et les pistons échauffés de la cent tonnes au milieu des bruits de vaisselle et de frein

Le Hâvre autobus ascenseur
J’ouvre les persiennes de la chambre d’hôtel
Je me penche sur les bassins du port et la grande lueur
froide d’une nuit étoilée
Une femme chatouillée glousse sur le quai
Une chaîne sans fin tousse geint travaille

Je m’endors la fenêtre ouverte sur ce bruit de basse-cour
Comme à la campagne

Blaise CENDRARS, Feuilles de route©Denoël, 1944, p. 197.



Lieux : Étape 19 - Bassins.
Quartier : Port et avant-port
Epoque : XXe < 1944
Genre : Poésie
Edition : Denoël


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