Un rude hiver, Le Boulevard maritime

« La main de Lehameau descendait vers ses reins. Elle se dégagea. Il fermait les yeux, il s’appuya sur la balustrade qui séparait le boulevard de la plage, se pencha vers les galets comme un orateur vers une foule. Il n’avait pas embrassé de femme depuis treize ans. Il tremblait. Helena le regarda, elle le regardait avec crainte. Elle s’éloigna de lui et se mit à marcher lentement. Lehameau la suivit et quelques pas plus loin la rejoignit et lui prit le bras et ils allèrent ainsi en silence.
Sur le terre-plein de la digue ils s’arrêtèrent et se séparèrent ; ils devaient se revoir le lendemain. Ils ne s’embrassèrent pas, mais se serrèrent la main, poliment. Lehameau tenta vaguement d’allonger le temps de cette poignée de main, de retenir dans sa main la main d’Helena, mais elle s’échappa comme un ruisseau de mercure. »

Raymond QUENEAU, Un rude hiver©Gallimard, 1939. Citation extraite du volume L’imaginaire Gallimard, p. 102. www.gallimard.fr



Lieux : Étape 13 - Digue nord. Plage.
Quartier : Bord de mer
Epoque : XXe < 1944
Genre : Roman


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