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La belle saison, Les Thibault

« Elle lui avait fait promettre qu’il ne l’accompagnerait pas au paquebot. Mais il était convenu qu’il irait à l’extrémité de la digue nord, au pied du phare, afin d’apercevoir la Romania à sa sortie du port. […]
Antoine allait, sans connaître son chemin. Sous un réverbère, il lutta contre la tourmente pour déplier un plan de la ville. Puis, perdu dans la brume, mais guidé par le bruit des vagues et l’avertissement lointain de la trompe marine, fendant le vent qui plaquait son manteau contre ses jambes, il traversa des terrains glissants de boue et atteignit un quai mal cimenté, où il s’engagea.
La digue se rétrécissait en avançant dans la mer. À droite, s’élevait l’ample cadence de l’Océan libre ; à gauche, l’eau captive dans le bassin du port ne faisait entendre qu’un clapotis confus ; et, venant non ne savait d’où, mais de plus en plus net, le rauque mugissement de la corne de brume emplissait le ciel : Heuh ! heuh ! heuh ! »

Roger MARTIN du GARD, La belle saison, Les Thibault, volume 3©Gallimard, 1923, p. 100. www.gallimard.fr