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Un rude hiver, Le cimetière

« Après le déjeuner, il prit le tramway et se rendit au cimetière. […] Le vent, le vent soufflait toujours, c’était un dur hiver, les arbres étaient décapés, seules pendues aux croix se conservaient les fleurs artificielles.
La même dalle de granit portait gravés les noms dorés de Zéphyrine Lehameau, d’Élodie Lehameau et d’Émilie Lehameau, sa mère, sa belle-sœur, sa première belle-sœur, et sa femme. Il s’immobilisa tête nue devant la pierre, les mains croisées, mais il ne priait pas. Il savait bien d’une part que les défunts sont respectables, mais de l’autre il croyait que quand on est mort c’est pour longtemps. Alors il se découvrait se signait croisait les mains, mais il ne priait pas. Il ne priait pas mais ça ne l’empêchait pas de pleurer. Il pleurait le corps immobile, sans hoquets, ni sanglots, comme il en avait l’habitude. Il pleurait ainsi pendant une dizaine de minutes.
C’était très long, dans le froid.
Il était tout seul, dans le froid. »

Raymond QUENEAU, Un rude hiver©Gallimard, 1939. Citation extraite du volume L’imaginaire Gallimard, p. 159. www.gallimard.fr