scoop Facebook



Accueil > L’Âge d’Homme

L’Âge d’Homme

« La veille au soir j’avais traîné un peu dans divers bars, bals musettes, boîtes de nuit, sans oublier les mauvais lieux de la rue des Galions ; tout cela m’avait paru un peu mort, par rapport à ce que c’était il y a quelques années : pas grand monde dans les rues, pas de gens ivres, pas de pianos mécaniques. J’avais pourtant ressenti dans les bordels du port cette impression d’humanité profonde et de grandeur qu’on éprouve, à mon sens, dans toutes les maisons de prostitution pourvu qu’elles soient pauvres et que les choses s’y passent avec une suffisante simplicité. C’était un lundi de Pentecôte, ce qui explique peut-être le calme relatif de tous ces endroits. ‘Les fêtes de religion ne sont pas les fêtes du bordel’ avait déclaré sentencieusement une petite prostituée devant qui, ceux qui m’accompagnaient et moi, nous nous étions étonnés qu’il y eût si peu de monde dans l’établissement auquel elle était attachée. »

Michel LEIRIS, L’Âge d’Homme © Gallimard, 1939. Citation extraite de Folio, p. 126-127. www.gallimard.fr