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L’Ivresse des falaises

« Jennifer pousse les deux enfants dans la Clio, ouvre la barrière, s’installe au volant. Patrick met le contact, respire profondément. Elle va faire ses courses, tout simplement. Peut-être, mais ne pas la lâcher. […]
Sûrement pas des emplettes, il n’y a pas de boutiques le long du boulevard maritime. C’est la balade iodée, la balade de l’été, mais pas sous la flotte. Place Clemenceau, Sainte-Adresse. La Clio grimpe l’avenue du Roi-Albert […]
Place Frédéric-Sauvage, Jennifer a le choix. Ou elle descend jusqu’au pied de la falaise, jusqu’au cul-de-sac nocturne des amoureux qui s’étreignent dans les bagnoles, ou elle monte jusqu’au sommet de la falaise, là où il n’y a pas grand-chose. Un phare à tête rouge qui ne sert plus à rien, une station-relais avec de grosses soucoupes blanches, et une caserne de CRS. Visiter une caserne de CRS, faut vraiment être au bout… […]
Cap de la Hève. La grisaille, la désolation, et le ciel bas de Jacques Brel. La Clio s’arrête enfin. Jennifer descend et les gosses suivent. Deux taches claires gambadent sur l’herbe. Patrick se gare à une trentaine de mètres, et cherche à comprendre. Emmener ses gosses prendre l’air dans ce coin paumé et par un temps pareil ! Ils marchent main dans la main dans l’herbe haute, se dirigent vers le bord de la falaise… Nom de Dieu, la falaise ! L’évidence le lacère comme un coup de griffe. »

Philippe HUET, « Poste-mortem », dans L’Ivresse des falaises©Éditions Payot et Rivages, collection Rivages/noir, 2009, pp. 25-27.